Héritage : texte paru en 2020 dans la revue Apulée n° 5 – numéro consacré aux Droits humains

6 juillet 2024 |

Héritage

par Colette Klein

 

Ma mère m’avait prévenue : ça va recommencer.

J’avais vingt-cinq ans ou un peu plus. Je venais apprendre, par hasard, que ses morts étaient partis en fumée, là-bas, dans un camp de concentration, et cela, parce qu’ils étaient juifs. Enfant, on m’avait expliqué que, non, le patronyme de mon père n’était pas juif. Elle avait précisé que je ne devais pas en parler, parce que cela allait recommencer !

Comme si ce silence n’allait pas peser sur moi, s’ajouter au non-dit.

Des années plus tard, j’aurais enfin compris que je devais à ce silence, à ce non-dit, d’avoir vécu pendant des décennies avec l’obsession quotidienne du suicide, avec le refus d’avoir une descendance. Cette chose-là avait amputé ma vie, l’avait d’avance condamnée. J’étais, comme je l’ai déjà écrit : morte avant d’être née, et tenue au secret.

Pourtant, je ne la croyais pas. Je savais que les massacres n’avaient jamais cessé dans le monde, que le mal prenait des formes les plus diverses, mais je pensais que la shoah ne pourrait pas revenir, que la mémoire collective retiendrait pour des siècles les pogroms, les ghettos, les chambres à gaz, l’extermination systématique. Je pensais que cette mémoire-là nous protégeait. Plus personne ne pourrait agir, ou même voter, en connaissance de cause.

L’interdiction fut si lourde, que je n’en ai effectivement parlé qu’après sa mort.

Je suis retournée sur les lieux de mon enfance, rue Saint-Antoine, près de Saint-Paul, là où la ville a été la plus martyrisée, là où s’est installé le Mémorial de la Shoah. J’y suis chez moi. Dans la longue liste des morts en déportation gravés sur le mur du mémorial, j’ai découvert le nom d’une petite fille, le même que celui de ma sœur, née la même année, morte bien avant. Destins parallèles qui ne se rejoindront jamais. Deux petites filles qui peut-être se sont croisées un jour, sans se reconnaître, sans avoir conscience d’être chacune le double de l’autre. L’une morte parce que portant l’étoile jaune, l’autre née d’une mère qui, sous l’angoisse, cachait ses origines.

Ma mère avait raison : cette chose a recommencé. Les insultes, les inscriptions antisémites, les cimetières saccagés, profanés, l’appel à la haine, et même les meurtres.

Mon engagement au Pen Club français m’encourage à résister, tout à la fois me rassure et m’effraye. Car si j’y suis en communion avec tous ceux qui aspirent à dénoncer l’ignominie – qui va bien au-delà de l’antisémitisme, qui gangrène la plupart des États par la misère ou des actes de violence, de torture physique ou morale, des actes qui nient aux hommes leur droit à l’humanité, je suis également alertée par les listes monstrueuses d’écrivains emprisonnés ou massacrés pour le seul tort d’avoir aimé la liberté, pour s’être seulement exprimé !

Comment vivre dans un monde qui se fissure de pays en pays, qui s’épuise sous le fouet des dictatures ?

Au moins, je n’aurai pas donné naissance à des enfants menacés de mort. Je mourrai délivrée de l’angoisse.

Ma mère avait raison : ça recommence. Jusqu’où cela ira-t-il ?


Concerto pour marées et silence, revue

7 juin 2024 | | |

Le numéro 17 est paru avec au sommaire, des participations de :

 

Claude ALBARÈDE, Béatrice ALBERTAT, Max ALHAU, Anne BARBUSSE, Anne BAROUSSE, David BARRANCO, Eva Maria BERG, Jean-Louis BERNARD, Patrice BLANC, Anne-Lise BLANCHARD, Jacques BONNEFON, Jean-Pierre BOULIC, Claudine BRAL, Léon BRALDA, Xavier BUFFET, Valérie CANAT de CHIZY, Geneviève CATTA, Édith CHAFER, Gérard CLÉRY, Jean-Claude-Albert COIFFARD, Marie-Lise CORNEILLE, Danièle CORRE, Françoise COULMIN, Michel DIAZ, Kenzy DIB, Michel DUNAND, Pierre ESPERBÉ, Laurent FAUGERAS, Bernard FOURNIER, Nicole HARDOUIN, Elia JALONDE, Hughes LABRUSSE, Michel LAMART, Philippe LEUCKX, Teo LIBARDO, Rémi MADAR, Alain MARC, Hervé MARTIN, Béatrice PAILLER, Michel PASSELERGUE, Catherine PONT-HUMBERT, Georges ROSE, Marie-Claude SAN JUAN,  Sylvie Léa SCOTT, Eugenia SEGURA,  Ara Alexandre SHISHMANIAN, Martin ZEUGMA.

 

Œuvres plastiques : Lionel BALARD, Daniel DUHAMEL-ARRAPEL, Joëlle EYRAUD.

 

Ont fait l’objet de note(s) ou article : Jean-Louis BERNARD, Claudine BOHI, Jean-Pierre BOULIC, Léon BRALDA, Patricia COTTRON-DAUBIGNÉ, Maurice COUQUIAUD, Pierre DHAINAUT, Michel DIAZ, Alain DUAULT, Marion LAFAGE, Jean LAVOUÉ, Ève LERNER, Isabelle LÉVESQUE, Frédéric TISON, Katty VERNY-DUGELAY, Colette WITTORSKI.

 

Le numéro est désormais à 15 €

L’adhésion est la bienvenue.

Bon de commande 2024


10ème salon du Livr’ouvert

28 mai 2024 | |

Je serai heureuse de vous y rencontrer le dimanche 2 juin entre 14 h et 19 h

 

Un concert y est donné ce dimanche à 16 h

 

Le Salon du livr’ouvert – couleur d’Orange 

se tient au 9 rue Barbès 93100 Montreuil

près du métro Robespierre (sortir en tête)

 


3 mai

3 mai 2024 | |

À Pierre

 

En descendant vers toi

entre les tombes,

je n’ai vu que ta silhouette

qui flottait

au-dessus du chemin,

qui s’éloignait,

et près de toi,

la nuit incandescente

qui me faisait signe.

 

Plus je m’approchais,

plus mes yeux se fanaient

à force de vouloir emporter

ton image

qui s’éloignait,

et qui, malgré tout

grandissait jusqu’à

toucher

les nuages.

 

3 mai 2024 – 45 ans après notre première étreinte


Je vous invite le 25 avril 2024 à 18 h à une rencontre que j’anime pour rendre hommage à Jeanine BAUDE et Maurice COUQUIAUD

14 avril 2024 |

Le PEN Club français et la Maison de Poésie vous invitent à une soirée d’hommage en l’honneur de ces deux poètes qui ont eu un rôle actif au Pen Club français.

Lien vers l’annonce publiée sur le site du Pen Club français ;

PEN CLUB : soirée du 25 avril

 

Rendez-vous à
La Maison de Poésie qui accueille le Pen Club français
en son local de l’Hôtel Blémont :
11 bis rue Ballu 75009 Paris
Entrer par la porte située en fond de cour, à droite (interphone) puis monter au dernier étage.

Métro Place Clichy (ligne 2 et 13) ou Blanche (Ligne 2)